Arnaud Meilland (Bureau Clio Sàrl, Martigny)
Bagnes, juin 2018. Une effervescence singulière envahit toute la vallée : on commémore, avec moult animations, la débâcle du Giétro, qui a eu lieu 200 ans plus tôt. Comment se fait-il qu’une catastrophe vieille de deux siècles occupe le devant de la scène ? Comment le souvenir de l’« avalo » – nom patois attribué spécifiquement à la débâcle par les Bagnards1 – a-t-il pu se perpétuer sur une aussi longue durée ? Pourquoi s’y intéresse-t-on encore aujourd’hui ? Ces questions peuvent surprendre, pourtant elles sont légitimes puisque bon nombre d’événements malheureux, une fois les générations concernées disparues, finissent par sombrer dans l’oubli. Plusieurs facteurs ont sans doute favorisé cette mémoire : l’ampleur des dégâts, l’écho médiatique, des liens étroits avec l’origine d’une science (la glaciologie) et l’étude des variations climatiques, cœur des préoccupations écologiques actuelles.
Au printemps 1818, alors que le lac se forme au fond de la vallée de Bagnes, les autorités cantonales prennent une première mesure importante : elles font rechercher des documents d’archives sur une éventuelle débâcle antérieure. Leur but est de trouver des informations sur les conséquences possibles d’une telle accumulation d’eau. Les rares éléments découverts alors confirment qu’une situation similaire s’était présentée en 1595, soit 223 ans plus tôt, ce qui pousse le Conseil d’État à agir rapidement en déléguant l’ingénieur cantonal sur place2. Cette recherche de renseignements ne s’arrête pas aux frontières cantonales : le 12 mai, le Conseil d’État demande aussi au gouvernement vaudois d’entreprendre des prospections dans ses propres archives3. Celui-ci s’exécute promptement mais sans succès4. La même démarche, avec le même résultat, sera entreprise au mois d’août auprès du canton de Zurich5.
Ce réflexe des autorités révèle que la débâcle de 1595 était encore connue en 1818, ou du moins que certains individus ont su en raviver le souvenir devant l’émergence du danger. Malheureusement, peu de documents nous informent sur l’état de cette mémoire à l’époque. D’après le doyen Bridel : « Quand la seconde débâcle est survenue, les Bagnards avaient presque oublié la première. »6 Une anecdote fournit un éclairage contraire intéressant : avant le 16 juin 1818, plusieurs habitants de Champsec sortent leurs meubles et leur argent de chez eux en prévision d’un événement funeste ; ils les placent dans des maisons reconnues pour n’avoir pas été détruites lors de la débâcle de 1595, notamment celle de la famille de feu Étienne Gard, père de Pierre François, curé de Monthey ; ce savoir se fonde, dans le cas de cette dernière habitation, sur la date du fourneau, qui est antérieure à 1595, et la tradition familiale qui rapporte qu’elle a résisté à cette inondation7. Le souvenir semble donc se perpétuer dans certaines familles. En l’occurrence, il leur joue un bien mauvais tour, puisque ces maisons furent rasées le 16 juin avec tout ce qu’elles contenaient.
Les documents sur la débâcle de 1595 qui ont été trouvés en 1818 ne sont pas très nombreux. Il s’agit de quelques inscriptions gravées sur des poutres d’anciennes maisons de la vallée de Bagnes et de Martigny-Bourg et de quelques courtes chroniques retrouvées dans des archives8. Ces documents permettent tout de même aux autorités et aux auteurs de récits de comparer les deux événements. Comme le désastre de 1595 entraîna la mort d’au moins trois fois plus de personnes que celui de 1818, le gouvernement valaisan se sert notamment de cet argument pour mettre en évidence l’efficacité de son travail. Grâce à son intervention, un malheur encore plus grand a été évité9. Aujourd’hui, les connaissances sur cette débâcle de 1595 ne sont guère plus étendues qu’à l’époque. Cet événement mériterait pourtant qu’on s’y intéresse un jour de plus près.
En 1818 et dans les années qui suivent, la débâcle du Giétro connaît un retentissement important en Suisse et en Europe. Plusieurs canaux d’information permettent sa diffusion. Cette propagation de la nouvelle amène de nombreux curieux dans la vallée de Bagnes, dont notamment des scientifiques qui viennent voir le cône de glace.
Les journaux d’information ne sont pas encore très nombreux en 1818. Il n’y en a d’ailleurs aucun sur territoire valaisan, où ils n’apparaîtront qu’une vingtaine d’années plus tard. Pour l’heure, seul le Bulletin officiel, organe de l’État du Valais édité depuis 1803, diffuse une fois par semaine des informations destinées à la population valaisanne. La débâcle y prend une place importante entre juin 1818 et mai 181910. La Gazette de Lausanne, journal le plus proche, couvre également les événements11. D’autres journaux suisses ont sans doute relayé l’information, tout comme la presse étrangère. Les informations sur la débâcle sont également relevées par quelques « reporters » venus eux-mêmes sur les lieux. Ces derniers publient leurs récits accompagnés de dessins dans de petites brochures. Le plus actif d’entre eux est le doyen Bridel, pasteur de Montreux et grand connaisseur du Valais, qui raconte ses courses avant et après la catastrophe12.
Ces articles et publications, aidés par les ouï-dire et l’effervescence créée par les collectes en Suisse et à l’étranger, surtout en Angleterre et en France, ont favorisé la diffusion de la nouvelle. « Toute l’Europe a retenti de cette lamentable catastrophe », écrit d’ailleurs le doyen Bridel deux ans plus tard13. Pourtant, un document laisse entendre que l’information n’a pas circulé partout, même dans des pays voisins : dans une lettre envoyée à sa femme quelques années après l’événement, le notaire Joseph Antoine Tavernier de Martigny, qui a subi de lourdes pertes lors de la débâcle14, écrit qu’il a acheté à Vevey un exemplaire de la « description de l’inondation du Giétro ». Il regrette toutefois de n’en avoir pas pris davantage car « cette terrible catastrophe est entièrement inconnue » dans les pays qu’il traverse (Bavière, Autriche) pour se rendre à Vienne15.
Même si elle n’est pas généralisée, cette médiatisation attire inévitablement des curieux à Martigny et dans la vallée de Bagnes. Dans leur rapport sur le Giétro rédigé en 1820, les experts mandatés par le gouvernement, Escher, Trechsel et de Charpentier, avaient annoncé : « Les traces de cette destruction longtemps visibles le long du courant de la Dranse depuis Mauvoisin jusqu’au-delà de Martigny attireront encore les générations futures pour y venir considérer les effets ainsi que les causes d’un phénomène aussi terrible de la grande nature. »16 Ces propos se sont vérifiés, comme l’atteste une quarantaine d’années plus tard Le Chroniqueur, un journal fribourgeois : « Après la catastrophe de 1818, les touristes étrangers s’étaient portés en foule dans cette vallée [Bagnes]. »17 Déjà avant la débâcle, plusieurs individus étaient venus voir le lac en formation, certains même le matin du jour fatidique18. Après le 16 juin, le flux de ces visiteurs augmente : on trouve parmi eux des Anglais, des Hollandais ou encore des Confédérés19. On vient de loin voir les reliquats de la débâcle, mais aussi les paysages majestueux qu’offre la région. Ces visites apportent au passage un peu d’argent à certains habitants qui se proposent comme guides, transporteurs ou hébergeurs20. On cherche d’ailleurs à promouvoir ces activités dans les journaux, comme en témoigne cet article de la Gazette de Lausanne du 2 juillet 1819 :
« MM. les voyageurs qui seraient dans l’intention de faire le tour du mont Vélan, en passant par le trop fameux glacier de Gétroz [Giétro], le col de la fenêtre & revenir par le Grand-Saint-Bernard, sont prévenus que les chemins et les ponts sont rétablis à neuf et praticables pour les petits chars jusqu’à Bagnes, où ils trouveront des mulets pour achever la course. La route, jusqu’au pont de Mauvoisin, parcourt à peu près les mêmes emplacements qu’avant la terrible catastrophe du 16 juin 1818 ; longeant la rivière, elle permet d’observer dans tous leurs détails, les phénomènes extraordinaires de cet épouvantable évènement. MM. les étrangers trouveront à Bagnes, des logements propres & agréables, une bonne table, des guides & des mulets à un prix modique. »21
Cette activité préfigure le développement du tourisme à Bagnes dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Les scientifiques vont quant à eux jouer un rôle essentiel dans la reconnaissance de la débâcle de 1818 sur la longue durée. Après la catastrophe, ils sont nombreux à venir mener des observations dans la vallée de Bagnes22. Les glaciers intéressent, voire passionnent. Jean de Charpentier, directeur des mines de sel de Bex et membre de la commission qui avait rendu un rapport sur les travaux du Giétro en 1820, publie en 1841 un Essai sur les glaciers qui finira par faire date23. À cette occasion, il n’oublie pas dans ses réflexions de rappeler le rôle joué par son ami Ignace Venetz et par Jean Pierre Perraudin, ce Bagnard fin observateur, ni de mentionner la débâcle du Giétro. Dès lors, ces deux noms et cet événement sont restés liés aux origines de cette nouvelle science appelée la glaciologie et seront cités dans bon nombre d’ouvrages jusqu’à nos jours.
La plupart des contemporains de la débâcle ont sans doute transmis par oral des informations sur ce qu’ils avaient vu, entendu ou même vécu. Malheureusement, avec le roulement des générations, le souvenir de ces expériences personnelles finit par s’étioler et disparaître. Du côté de Bagnes, l’utilisation spécifique du terme patois « avalo » pour désigner l’événement alors que leurs voisins n’en font pas un usage aussi restrictif, en est un indice ténu24. Un article du journal fribourgeois La Liberté datant de la fin du XIXe siècle garde pourtant de manière inattendue une trace de la transmission du souvenir par la parole : une notice nécrologique en hommage au Dr Bernard Étienne Cropt (1798-1896) de Martigny, professeur de droit à Sion et auteur de la législation cantonale de 1830 à 1895, mentionne que ce dernier, durant ses cours, ne manquait jamais d’évoquer la débâcle du Giétro à laquelle il avait assisté et de parler « des arbres fruitiers que la violence des eaux avait amenés jusque dans les rues de Martigny »25.
En parallèle à cette transmission orale, quelques individus ont voulu laisser des traces plus pérennes de cet événement extraordinaire auquel ils ont pris part bien malgré eux. Leur démarche prend des formes différentes : inscriptions sur des édifices, ex-voto, ou rédaction de récits.
Dans la vallée de Bagnes, durant les années qui ont suivi la débâcle, plusieurs constructions se sont vu affublées d’inscriptions évoquant la catastrophe. En 1945, Cyrille Gard, notaire et archiviste communal, dresse un petit inventaire de ce genre d’épigraphes trouvées à Champsec, village qui a été particulièrement touché. Il en déniche quatre. Ces dernières ont à la fois une fonction mémorielle, en rappelant l’événement et en y associant le nom du bâtisseur de l’édifice, et apotropaïque, en invoquant Dieu et sa protection, afin qu’il écarte toute nouvelle catastrophe. L’une d’entre elles rappelle également la hauteur atteinte par l’eau lors de la débâcle26. On trouve une autre inscription, encore visible de nos jours, sur le pont de Mauvoisin, à proximité du glacier du Giétro. Cet édifice est construit en 1828, selon des plans réalisés par Ignace Venetz, celui-là même qui s’était énormément investi lors des évé-nements de 1818. L’ingénieur prévoit d’y faire tailler sur le parapet l’inscription suivante : « 1828. 10 ans A. L. D. », qui signifie « 1828. 10 ans après la débâcle »27. Le « texte » sera finalement un peu plus long : « 1828. A. V. F. 10A. L. D. M. L. F. » Le chanoine Carron, curé de Bagnes dans les années 1920 et 1930, la résout ainsi : « 1828. A Venetz l’a fait 10 ans après la débâcle. Maître Loia l’a fait. »28
Outre les épigraphes, on trouve également des ex-voto représentant la catastrophe de 1818. Nous en connaissons deux. Le premier, qui se trouvait autrefois à la chapelle des Sept Joies à Sembrancher, est l’œuvre de Félix Cortey (1760-1835), peintre bagnard bien connu. Il représente une scène de la débâcle dans les environs de ce village29. Le deuxième, du peintre E. Gay, de Martigny-Bourg, se trouve dans la chapelle Notre-Dame-de-Compassion à Martigny (La Bâtiaz). Il porte l’inscription « Inondation à Martigni, le 16 juin 1818 par le Glassier de Bagne » et représente la vague traversant la grande rue de Martigny-Bourg, avec, au premier plan, la chapelle de la Bâtiaz, miraculeusement épargnée30.
Enfin, d’autres personnes ont choisi de prendre la plume. Certaines le font dans le but d’en informer des membres de leur famille, sans se douter que le document traversera les siècles, comme Jean François Closuit de Martigny qui décrit avec beaucoup de détails la catastrophe dans une lettre destinée à son frère Pierre Benjamin à Dijon31. D’autres souhaitent volontairement laisser des informations pour les générations futures. C’est le cas par exemple de Pierre Joseph Farquet père, du Châble, qui rédige, seulement quatre jours après la débâcle, une courte description de l’événement dans un français très approximatif mais touchant32. Il fera d’ailleurs partie de la première vague d’émigration de Valaisans vers le Brésil une année plus tard33. Le prieur Joseph Darbellay de Martigny, membre incontournable du Comité de bienfaisance lors des événements, laisse quant à lui un récit en latin, qui date de 1831, dans le registre des décès de la paroisse de Martigny34. Ces gros répertoires destinés à durer sont en effet souvent utilisés par les hommes d’Église comme des réceptacles à souvenirs d’événements extraordinaires de leur temps. Enfin, signalons encore le notaire Pierre Joseph Jacquemin, qui, en 1837, compile des textes sur la débâcle de 1595 et de 1818, sans qu’on sache, par contre, qui en sont les rédacteurs35.
Depuis les années 1840 au moins, le souvenir de la débâcle est évoqué de temps à autre dans la presse valaisanne et romande. Outre les mentions périodiques des travaux de prévention qui sont effectués au Giétro36, il est ravivé à certaines occasions, comme lors des petites débâcles qui ont lieu au fond de la vallée de Bagnes en 1894, 1895 et 189637, ou lors d’une nouvelle avancée du glacier du Giétro dans les années 191038, époque marquée aussi par les 100 ans de l’événement en 1918. Il apparaît également dans des articles à visée touristique39 et dans des listes qui énumèrent les catastrophes valaisannes40.
Dans ces articles, la débâcle de 1818 est parfois simplement signalée, mais parfois aussi décrite avec détails. C’est le cas d’un texte publié dans Le Confédéré le 14 mars 1867, qui rappelle au public l’existence du reliquat d’argent laissé dans les caisses de l’État par le Comité de bienfaisance, dont les intérêts servent année après année aux travaux du Giétro ; le rédacteur y résume les événements dramatiques en se basant sur un des écrits publiés du doyen Bridel, parce que « la jeune génération ne connaît que vaguement ce sinistre mémorable »41. De même, en 1918, les journaux valaisans publient des articles qui rappellent le « triste centenaire »42. Ces textes présentent le déroulement des événements depuis le printemps 1818 jusqu’au 16 juin, avec quelques anecdotes et des informations sur les dégâts occasionnés et les dons reçus. Certains d’entre eux sont tirés directement d’autres journaux, tels le Conteur Vaudois et La Famille, preuve que la date anniversaire est rappelée au-delà des frontières valaisannes.
À de rares occasions, la catastrophe est également évoquée sous forme d’anecdotes dans la presse. En 1844, L’Écho des Alpes, qui dénonce l’attitude de certains religieux catholiques envers les protestants, rappelle l’accueil en grande pompe du doyen Bridel, pasteur vaudois qui s’est beaucoup engagé pour les sinistrés, lors d’une de ses visites dans la vallée de Bagnes après la débâcle43. En juillet 1904, la Feuille d’avis du Valais fait part, quant à elle, d’un fait divers particulier : un individu de Martigny, qui a perdu la raison, répand la nouvelle dans la localité qu’une poche du Giétro a sauté ; monté au clocher de l’église pour sonner le tocsin, il finit par être maîtrisé44.
Durant le XXe siècle et le début du XXIe siècle, les journaux valaisans continuent de rappeler ponctuellement les événements de 181845. Certains annoncent la découverte de nouveaux documents d’époque sur le sujet46. D’autres se rapportent au risque inédit que présentent les barrages industriels, dont un s’implante dès les années 1950 au fond de la vallée de Bagnes, à l’endroit même où jadis le glacier du Giétro avait barré la Dranse et formé un lac47. Paradoxe de l’histoire ! La débâcle a également inspiré l’écrivain valaisan Maurice Zermatten qui publie un roman intitulé La colère de Dieu en 194048. Plusieurs articles de journaux mentionnent que cet ouvrage a été adapté en pièce de théâtre par Yvonne Thévenoz en 1942 et diffusé d’abord comme pièce radiophonique sur les ondes de Radio Lausanne49, puis mis en scène par Paul Pasquier et interprété en 1943 par le groupement du « Vieux Pays » de Saint-Maurice50.
En 1988, pour les 170 ans de la catastrophe, une exposition intitulée « 16 juin 1818, débâcle du Giétro » est montée au Musée de Bagnes51. Elle est conçue par Jean-Michel Gard, conservateur du musée, avec les contributions de Jean-Marc Pillet, naturaliste, du professeur Marcel Burri, géologue, et d’Amédée Zyrd, glaciologue. Plus qu’une simple évocation historique de la débâcle, elle inscrit l’événement dans son contexte géographique et géologique, avec une part importante donnée à la glaciologie. Prévue du 16 juillet au 9 octobre, l’exposition est finalement prolongée jusqu’au 16 octobre52. Un ouvrage est également publié pour l’occasion53. Il réunit de nombreux documents alors inédits, notamment des témoignages, des dessins et des gravures. Il s’agit en somme d’un premier état des lieux des connaissances historiques et scientifiques de la débâcle. En septembre 1993, est également inaugurée la Maison des glaciers à Lourtier54. Consacrée à Jean Pierre Perraudin, l’enfant du village qui, par ses observations attentives, a participé à la création de la théorie des glaciers, elle incarne le lien étroit entre la glaciologie et la vallée de Bagnes.
Dès le lendemain de la catastrophe et jusqu’à aujourd’hui, la science aura joué un rôle essentiel dans le maintien de cette mémoire. Elle aura aussi participé à ancrer cet événement plus particulièrement dans la vallée de Bagnes. À Martigny, son souvenir s’est estompé. Cela peut paraître étonnant pour une commune qui a non seulement subi les plus gros dégâts matériels, mais qui a également enregistré près de 75% des pertes humaines de la catastrophe. Mais, à deux cents ans d’écart, ce drame ne touche évidemment plus de la même manière. Désormais, l’intérêt pour la débâcle de 1818 est surtout lié à l’importance que revêt aujourd’hui la glaciologie. La fonte des glaciers et ses conséquences sont en effet un symbole fort du réchauffement climatique, thématique au centre des préoccupations internationales. De ce point de vue, la débâcle du Giétro redevient un sujet d’actualité, qui mérite une attention particulière.
Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant de retrouver cette catastrophe dans la liste des événements valaisans notables de ces deux cents dernières années dressée à l’occasion des festivités du bicentenaire de l’entrée du Valais dans la Confédération en 201555. De même, à l’heure de la commémoration des 200 ans de l’événement, l’intérêt redoublé des scientifiques – historiennes et historiens, géographes et géologues en tête – et d’autres acteurs ne surprend guère. Sont prévus en 2018 : une exposition au Musée de Bagnes ; un colloque scientifique organisé par l’Université de Lausanne, la commune de Bagnes et la Société d’histoire du Valais romand, dont les actes seront publiés56 ; un film documentaire tourné en Valais et qui implique la population locale57 ; et, enfin, le présent ouvrage qui fournit, sur la base de recherches approfondies, un récit circonstancié et renouvelé de la débâcle, agrémenté d’éclairages historiques inédits. La débâcle n’aura jamais été autant au centre des attentions depuis 1818 !
"Cette mémoire et faite par pierre joseph farque père le 20 du moy de juin de l’an 1818 du Châble de bagnes. Ceus qui liront cette mémoyre pourron se soveni du malheur qu’il tarivé.
Mémoyre du malheur qui est arrivé les 11 du mois de juin de l’an 1818 que les glasier du Gietrou atareté la Dranse de pui les premier jour du moy de mars jusque au 11 de juin qui est parti toutan mas a rase la grange de Le Chelai celle de banachise et cele de fionen et cele de grange neue et de pui là à Lourtier treze maison anporte par dernier et à Chansec treze maison emporté tou ce qui iétai dedan et quatre maison u Lapey et les pré du glaire de sain marc et celui de lila tout couver de depo apre ariva au Chable il a batu jusqu’à la pourte du présidan gard di autrement la beyei antanporté les pont et les barie et le martinet et la maison de pantaleon Les jardins et la scie moner molin folon an tout atan anporte trente maison e tous les danre meuble tou perdu et encore peri 4 fame 2 de Chansepc a Veleta 3 raca une grange un martinet et un monet tout mene loin.
Au pierre grosse a tou cover de depo les cham du glarier tou cover jusque à lac duc de Volege. Lau ile venu jusque a la croix de la maison de pierre joseph Farquet du fon du Chable.58
1. Le Confédéré, 15.06.1918, p. 1 ; Nouvelliste, 30.08.1988, p. 2. ↑
2. Bulletin officiel et Feuille d’avis, Sion, 1818, p. 198 (N°25, 20 juin). Voir le document. ↑
3. AEV, 3 DTP 31.2.19/1. Lien vers l'inventaire. Voir le document. ↑
4. AEV, 3 DTP 31.2.19/1. Lien vers l'inventaire. Voir le document ; AEV, 3 DTP 30.3.2/1. Lien vers l'inventaire. Voir le document ; AEV, 3 DTP 31.2.19/2. Lien vers l'inventaire. Voir le document. ↑
5. AEV, 3 DTP 28.8, p. 11. Lien vers l'inventaire. Voir le document. ↑
6. Philippe-Sirice Bridel, Essai statistique sur le canton du Valais, 1820, p. 166-167. ↑
7. AEV, de Rivaz, Rz 153, p. 110v. Voir le document ; Bulletin officiel, 1818, p. 324 (N°41, 10 octobre). Voir le document. ↑
8. Bulletin officiel, 1818, p. 212-214 (N°27, 4 juillet). Voir le document ; Philippe-Sirice Bridel, Seconde course à la vallée de Bagnes et détails sur les ravages occasionnés par l’écoulement du lac de Mauvoisin, 21 juin 1818, Vevey, p. 25-26. ↑
9. Bulletin officiel, 1818, p. 204 (N°26, 27 juin). Voir le document. ↑
10. Bulletin officiel, 1818, p. 197-200 (N°25, 20 juin). Voir le document.
P. 204-205 (N°26, 27 juin). Voir le document.
P. 211-216 (N°27, 4 juillet). Voir le document.
P. 219-220 (N°28, 11 juillet). Voir le document.
P. 227-230 (N°29, 18 juillet). Voir le document.
P. 322-328 (N°41, 10 octobre). Voir le document.
P. 337-340 (N°43, 24 octobre). Voir le document.
P. 348-351 (N°44, 31 octobre). Voir le document.
P. 359-360 (N°45, 7 novembre). Voir le document.
P. 365-368 (N°46, 14 novembre). Voir le document.
P. 372-374 (N°47, 21 novembre). Voir le document.
Bulletin officiel, 1819, p. 2-8 (N°1, 9 janvier). Voir le document.
P. 89-95 (N°12, 27 mars). Voir le document.
P. 105-108 (N°14, 10 avril). Voir le document.
P. 125-128 (N°16, 24 avril). Voir le document.
P. 135-136 (N°17, 1er mai). Voir le document. ↑
11. Gazette de Lausanne, 19.06.1818, 23.06.1818, 26.06.1818, 30.06.1818, 03.07.1818, 10.07.1818, 14.07.1818, 21.07.1818, 24.07.1818 et 04.08.1818. ↑
12. 16 juin 1818 : Débâcle du Giétro, collection du Musée de Bagnes N°1, 1988, p. 61-63, 65-68, 90-136, 160-178. ↑
13. Philippe-Sirice Bridel, Essai statistique sur le canton du Valais, 1820, p. 165. ↑
14. AGSB, 5006, Lettre (05.08.1818) et état des pertes (20.07.1818). Voir le document. ↑
15. AcMy, FAATo, P 94/2. ↑
16. AEV, 3 DTP 29.8.2/15, p. 10. Lien vers l'inventaire. Voir le document. ↑
17. Le Chroniqueur, 25.09.1861, p. 1. ↑
18. AEV, 3 DTP 28.4.9. Lien vers l'inventaire. Voir le document. ↑
19. AEV, 3 DTP 28.2.31. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AEV, 3 DTP 28.2.32. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AEV, 3 DTP 28.4.9. Lien vers l'inventaire. Voir le document. ↑
20. AEV, 3 DTP 28.3.19. Lien vers l'inventaire. Voir le document. ↑
21. Gazette de Lausanne, 02.07.1819, p. 4. ↑
22. Jean de Charpentier, Essai sur les glaciers et sur le terrain erratique du bassin du Rhône, Lausanne, 1841, p. 155. ↑
23. Jean de Charpentier, Essai sur les glaciers et sur le terrain erratique du bassin du Rhône, Lausanne, 1841. ↑
24. Le Confédéré, 15.06.1918, p. 1 ; Nouvelliste, 30.08.1988, p. 2 ; Glossaire des patois de la Suisse romande, Tome 2, Neuchâtel, 1934-1954, p. 133, article « avalyo ». ↑
25. La Liberté, 22.01.1896, p. 2. ↑
26. AC Bagnes, P 1063/16. Voir le document ; voir aussi H. Gaschen, «Inscriptions-souvenirs de la tragique journée du 16 juin 1818 », dans Bulletin de la Murithienne, 72, p. 103-105. ↑
27. AC Bagnes, P 830. Voir le document. ↑
28. Camille Carron (chanoine), « Le pont de Mauvoisin », Petites annales valaisannes, 1926, p. 45. ↑
29. 16 juin 1818 : Débâcle du Giétro, collection du Musée de Bagnes N°1, 1988, p. 170. ↑
30. Gaëtan Cassina, « Notre-Dame de Compassion, chapelle du Pont ou de la Bâtiaz », dans La Bâtiaz. Plaquette publiée à l’occasion des 50 ans de la fusion Martigny-Ville/la Bâtiaz, Martigny, 2006, p. 23 (note 13) et p. 25-26. ↑
31. AEV, Closuit, Famille Closuit, 82/1. ↑
32. 16 juin 1818 : Débâcle du Giétro, collection du Musée de Bagnes N°1, 1988, p. 192. ↑
33. Collectif, Familles de Bagnes, du XIIe au XXe siècle; généalogie, histoire, étymologie, armoiries, Le Châble, 2005-2008, vol. 2, p. 341. ↑
34. Registre des décès de la paroisse de Martigny, p. 164-166 (photocopies disponibles aux AEV) ; AEV, Vieux-Martigny, P 256. ↑
35. Jean-Charles Fellay, « Le glacier du Giétroz et ses débâcles », dans Chroniques des Dranses. Des archives racontent l’Entremont, Sembrancher, 2011, p. 317-322. ↑
36. Par exemple : L’Écho des Alpes, 30.05.1841, p. 2 ; Courrier du Valais, 02.11.1844, p. 2 ; Courrier du Valais, 10.07.1853 ; Courrier du Valais, 30.07.1854, p. 1 ; Courrier du Valais, 14.02.1856, p. 3 ; Le Chroniqueur, 10.08.1857, p. 2 ; La Liberté, 09.10.1877, p. 2. ↑
37. Le Confédéré, 04.07.1894, p. 2 ; La Liberté, 30.06.1894, p. 3 ; Le Confédéré, 13.07.1895, p. 2 ; La Gruyère, 27.06.1896, p. 2. ↑
38. Nouvelliste, 14.08.1917, p. 3. ↑
39. Le Chroniqueur, 25.09.1861, p. 1 ; La Liberté, 20.08.1889, p. 3. ↑
40. Le Confédéré, 09.08.1884, p. 2 ; Confédéré de Fribourg, 08.07.1885, p. 3 ; Feuille d’avis du Valais, 02.04.1908 ; Nouvelliste, 19.01.1909, p. 3 ; Le Confédéré, 20.01.1909, p. 2. ↑
41. Le Confédéré, 14.03.1867, p. 1. ↑
42. Nouvelliste, 11.06.1918, p. 3 ; Nouvelliste, 18.06.1918, p. 1 ; Le Confédéré, 15.06.1918, p. 1 ; Feuille d’avis du Valais, 15.06.1918, p. 2-3. ↑
43. L’Écho des Alpes, 24.04.1842, p. 2. ↑
44. Feuille d’avis du Valais, 28.07.1904, p. 2. ↑
45. Le Rhône, 04.01.1930, p. 6 ; Feuille d’avis du Valais, 07.06.1934, p. 1 ; Nouvelliste, 16.02.1939, p. 3 ; Nouvelliste, 20.06.1944, p. 3 ; Nouvelliste, 26.06.1976 ; Nouvelliste, 23.09.1993, p. 47 ; Le Confédéré, 09.11.1993, p. 3 ; Nouvelliste, 15.12.2000, p. 2. ↑
46. Le Rhône, 09.02.1943, p. 1 ; Treize Étoiles, 12.1992, p. 33-34. ↑
47. Le Confédéré, 23.04.1923, p. 1 ; Le Confédéré, 26.07.1985. ↑
48. Maurice Zermatten, La colère de Dieu, Fribourg, 1940, 444 p. ↑
49. La Liberté, 20.10.1942, p. 6. ↑
50. Nouvelliste, 12.04.1942, p. 3 ; La Liberté, 04.02.1943, p. 10 ; Le Rhône, 05.02.1943, p. 2 ; Nouvelliste, 04.02.1943. ↑
51. Nouvelliste, 13.08.1988, p. 17 ; Nouvelliste 15.09.1988, p. 11 ; La Liberté, 17.09.1988, p. 37. ↑
52. Le Confédéré, 14.10.1988, p. 3. ↑
53. 16 juin 1818, Débâcle du Giétro, Collection du Musée de Bagnes N°1, 1988. ↑
54. Nouvelliste, 23.09.1993, p. 15, p. 47. ↑
55. Valais*Wallis Digital (consulté le 10.11.2017) ; Pierre Mayoraz et alii, 1815-2015, 200 Jahre Walliser Geschichte, Sion, 2015, p. 24. ↑
56. Annales valaisannes (à paraître). ↑
57. « 1818 », de Christian Berrut, réalisateur/scénariste, et Michaël Rouzeau, réalisateur/producteur. ↑
58. 16 juin 1818, Débâcle du Giétro, Collection du Musée de Bagnes N°1, 1988, p. 192. ↑