Giétro 1818 Ombre

Ombre au tableau des secours

Arnaud Meilland (Bureau Clio Sàrl, Martigny)

L’image de la débâcle de 1818 fait la part belle à la solidarité manifestée aux victimes. Sans vouloir minimiser cet élan, qui fut réellement de grande ampleur, il convient de jeter un regard attentif à des aspects moins reluisants. Tout n’est pas rose dans les secours ni dans les relations entre sinistrés. La gravité de la situation et l’immensité des dégâts mettent à mal les communautés et les individus. Les tensions sont inévitables.

BISBILLES AVANT LA DÉBÂCLE

Avant le 16 juin, des crispations ont déjà lieu. Elles sont principalement d’ordre financier. La Commission centrale, créée dans le but de faire face aux travaux d’urgence au glacier du Giétro, rencontre en effet des difficultés avec certaines autorités locales. Devant les coûts engendrés par les opérations périlleuses qui ont lieu sur le terrain, les communes du dizain d’Entremont, celle de Martigny et les dizains de Saint-Maurice et Monthey, qui sont tous potentiellement en danger, doivent mettre la main à la bourse. Pourtant, malgré l’impératif de la situation, plusieurs d’entre eux rechignent à le faire et même, pour certains, à déléguer un représentant à la commission. C’est le cas du dizain de Saint-Maurice, de celui de Monthey, et plus étonnant, de la commune de Bovernier1. La commission se plaint également du manque de soutien du Conseil d’État valaisan, à qui elle demande, le 28 mai, d’intervenir auprès des récalcitrants et réclame, au passage, des subsides2. Le gouvernement se plie finalement à la première requête et envoie des instructions aux intéressés, mais semble par contre moins enclin à satisfaire la seconde3. Les dizains de Saint-Maurice et de Monthey finissent par verser leur dû entre la fin mai et le 4 juin4. En revanche, la commune de Bovernier continue à faire de la résistance : il faut attendre une injonction du gouvernement avec menaces d’envoi de militaires – sans qu’on sache si cette mesure a été appliquée – pour que Bovernier s’exécute enfin le 11 juin, soit cinq jours seulement avant la débâcle5. Elle prétend alors « n’avoir point fait refus de paiement », mais n’avoir pu régler entièrement la somme due en raison de sa pauvreté6.

LE « CHAOS DES CORVÉES »7

Pour venir en aide aux régions sinistrées qui sont accablées par les travaux titanesques consécutifs à la débâcle, le gouvernement valaisan réquisitionne des hommes et des chars provenant des communes voisines. Il s’agit des « corvées » ou des « manœuvres ». Du dizain de Monthey au val d’Hérens, on vient travailler à Martigny, tandis que les communes de Bourg-Saint-Pierre, Liddes, Orsières et Vollèges – cette dernière n’ayant subi que peu de dégâts – apportent leur aide en Entremont8. En revanche, les autorités ne font pas venir des renforts de plus loin en raison des problèmes logistiques que cela représente. Entre le 17 juin et le 10 juillet, 2946 journées d’hommes et 720 journées de chars à collier seront ainsi accomplies ! Et ces chiffres ne tiennent pas compte des journées effectuées par les communautés sinistrées9.

Cette main-d’œuvre est essentielle pour mener à bien les secours. Elle se révèle pourtant délicate à gérer pour les commissaires du gouvernement envoyés dans les zones touchées. Les communes et dizains sollicités ne jouent, en effet, que partiellement le jeu. Ils se mobilisent, mais ne fournissent que rarement la totalité de l’aide escomptée. Dès la fin juin, devant l’urgence des opérations à mener sur le terrain, le commissaire Joseph Marie de Torrenté, responsable du secteur de Martigny, désespère de cette situation et s’en plaint au grand bailli à maintes reprises. Le 5 juillet, il constate : « En général, je suis extrêmement mécontent sur la marche de ces corvées. Elle est extrêmement vicieuse. (…) Je ne connais jamais la veille le nombre d’hommes que j’aurai le lendemain ; bientôt ce sont les hommes de telle commune qui manquent, bientôt les chars d’une autre ; un jour j’aurais beaucoup d’hommes et presque point de chars, le lendemain j’en [sic] aurais des fois un certain nombre de chars, et les hommes me manquent ; c’est ainsi que Nendaz, le 30 juin, a envoyé 15 mauvais ouvriers, le 1er juillet personne, le 2 juillet, 5 ouvriers dont 3 enfants, le 3 et le 4 juillet personne ; Isérables qui devait fournir 6 hommes pendant toute la semaine, n’a envoyé personne ; Monthey, le dizain, n’a envoyé que 40 en place de 60 ouvriers ; Fully par contre devait envoyer 10 colliers [chars] par jour le 30 [juin], le 1er et le 2 juillet, n’a envoyé personne ces jours-là, mais 15 colliers le samedi sur mon invitation pressante. »10

L’efficacité et la volonté de travail de ces manœuvres sont également mises en question : « Les ouvriers arrivent toujours fort tard, veulent s’en aller de bonne heure après s’être reposés longtemps », rapporte le 30 juin le même commissaire11. Quelques jours plus tard, il développe :

« Les communes ont adopté la mauvaise manie de faire relever tous les jours les ouvriers et les chars, de sorte que ces chars et ces manœuvres arrivent ici bien fatigués à 9 heures, travaillent ou font semblant de travailler, cherchent à se soustraire quand ils peuvent jusqu’au 11 heures ; alors ils vont dîner au Bourg et en Ville et on ne peut plus les rassembler qu’après 1 heure ; voilà qu’ils pensent ménager leurs forces pour leur retour et, à 4 heures, la plupart d[es] ouvriers, prétextant l’éloignement de leur commune à 4, 5, 6 lieues et plus, décampent ; et malgré qu’on leur dit qu’on leur refusera le certificat, rien ne peut plus les retenir, de telle sorte [que] les journées s’accumulent sur papier. »12

Face à ces problèmes lancinants, le commissaire demande d’abord au grand bailli d’informer les présidents des dizains concernés de rectifier le tir13 ; puis, devant l’inefficacité de cette mesure, il propose de modifier l’organisation des manœuvres et de passer à l’engagement d’hommes salariés14.

Il estime en effet que « cette marche des corvées pouvait être bonne pour le premier besoin » mais que, près de trois semaines après la catastrophe, elle n’est plus adaptée15. Cette suggestion, partagée par le président du dizain de Monthey16, a été partiellement suivie par le gouvernement : les corvées sollicitées dans les communes les plus éloignées (hors des dizains de Martigny et d’Entremont) semblent s’interrompre autour du 10 juillet. Par contre, si des entreprises sont bel et bien mandatées plus tard sur les points les plus chauds, comme la route entre Martigny et Sembrancher, une grande partie des travaux sont toujours réalisés par les corvées locales17.

De leur côté, les communes et dizains sollicités évoquent quelques raisons de ne pouvoir s’engager autant que cela leur est exigé. Comme l’écrit le président du dizain de Monthey le 5 juillet, il ne s’agit pas « d’égoïsme ou de mauvaise volonté », mais d’une conséquence malheureuse du calendrier : la fin juin et le mois de juillet correspondent à l’époque des premières fenaisons18. Pour une population qui vit encore essentiellement des travaux de la campagne, il est difficile de se soustraire à ces impératifs. Le même président de dizain ajoute un autre argument, en dénonçant la mauvaise organisation des secours sur place : « On peut difficilement se faire une idée du désordre qui règne dans l’emploi de ses journées. »19 À quoi bon perdre son temps, alors qu’on a du travail plein les bras chez soi ? L’élan de solidarité s’arrête logiquement là où ses propres intérêts sont en jeu, d’autant que, dans le cas présent, l’effort demandé sur une longue durée lasse tout le monde.

Pour finir, voici quelques cas particuliers de collaboration difficile lors des travaux. La commune de Vollèges est tancée, le 22 juin déjà, pour n’avoir manifesté que « peu de zèle » envers ses voisins20. À la fin juin à Liddes, alors que le président de la commune annonce aux criées les noms des 30 hommes qui ont été choisis pour remplir les missions qu’on leur impose (travaux à la route entre Bovernier et Sembrancher), deux individus prennent la parole pour dire qu’ils n’iront pas ; un d’eux est Germain Darbellay, le plus important commerçant de Liddes selon le président, qui pourtant utilise la route très fréquemment pour son commerce ; détail intéressant, il s’agit du frère du prieur de Martigny, membre du Comité de bienfaisance en faveur des sinistrés21. À Martigny, le 30 juin, le conseiller Jean Pierre Mathey, qui s’oppose aux opérations du gouvernement menées à la Dranse, renvoie tous les ouvriers sous prétexte que c’est le jour de la Saint-Pierre22. Enfin, le 4 juillet, le président de Saxon se plaint au grand bailli du commissaire de Torrenté qui a envoyé trois gendarmes pour obtenir les chars qu’il demandait ; il précise que la commune a déjà accompli 99 journées d’hommes et 130 journées de chars et qu’elle a fait tout son possible pour coopérer ; il n’exigera plus de corvées de ses administrés, car il n’essuierait que des refus. Il rappelle, au passage, que Saxon avait beaucoup donné pour les travaux au Rhône durant le printemps23.

LES BOIS, UN ENJEU QUI DIVISE

En dévalant depuis le sommet de la vallée de Bagnes, la vague de la débâcle a emporté avec elle une immense quantité de bois en tout genre, principalement des arbres arrachés et des poutres de constructions renversées. La plupart de ces éléments ont terminé leur course ici ou là dans la plaine du Rhône ou, plus loin, dans le lac Léman. Tous ces bois ne sont pas perdus pour autant. Leur valeur est même importante, car, à l’époque, il s’agit d’une matière première primordiale, tant pour se chauffer que pour bâtir. L’enjeu est donc de taille.

Avant la fin juin, grâce notamment à la collaboration désintéressée du canton de Vaud, les bois qui jonchaient le sol dans les dizains de Saint-Maurice et de Monthey, ainsi que ceux qui flottaient dans le lac, sont vendus aux enchères en faveur des sinistrés24. Cette action, rondement menée, contraste avec la situation à Martigny, où se concentre la plus grande partie des dépôts amenés par la débâcle. Au début juillet, des experts viennent dans cette commune pour les évaluer : l’ensemble est estimé à 7162 francs25, ce qui, à titre comparatif, représente plus que le produit de la collecte en argent réalisée dans l’ensemble des communes valaisannes (5740,37 francs). Le gouvernement valaisan souhaite que la commune de Martigny se charge du déblaiement de ces bois, dans le but de les vendre ensuite aux enchères au profit de l’ensemble des sinistrés. Cette dernière refuse une première fois le 19 juillet par la voix de son président de dizain, Philippe Morand, et une seconde fois, le 23 juillet, par celle de son président de commune, Bernard Antoine Cropt. En fait, son objectif inavoué, mais pourtant évident, est de s’approprier l’ensemble de ces bois, notamment pour la reconstruction des digues de la Dranse. Elle craint, par conséquent, non seulement la possibilité d’une vente aux enchères, mais également les probables réclamations du dizain d’Entremont, puisque beaucoup de ces bois proviennent des forêts de la vallée et des bâtiments qui y ont été emportés. C’est pourquoi les menaces fusent : le président du dizain de Martigny avertit le Conseil d’État que si le dizain d’Entremont revendique ces bois, il serait « en droit de [lui] opposer la réparation des dommages causés par la masse énorme de ces bois, qui a plus particulièrement contribué à déraciner et écorcer [ses] arbres fruitiers, outre qu’elle a donné une plus grande intensité au choc qu’une partie de [ses] bâtiments ont éprouvé et qu’elle a puissamment concouru à la destruction de l’autre » ; le président de la commune enfonce même le clou en rappelant, avec une retenue de façade, que si Martigny compte autant de morts, c’est de la faute de l’Entremont qui a omis de suivre, à la veille de la débâcle, les ordres du gouvernement relatifs aux alarmes26.

Malgré la position de la commune de Martigny, le Conseil d’État décide d’organiser tout de même une vente aux enchères, sous la responsabilité du commissaire François Delacoste, juge du dizain de Monthey27. Elle a lieu le 1er août, mais ne se déroule pas comme prévu : personne ne mise ! Certains acheteurs, venus essentiellement depuis le Chablais et la Riviera vaudoise, repartent avant l’ouverture de la vente, alors que d’autres n’osent même pas faire de proposition. Le commissaire qui assiste à cet échec fournit des explications dans son compte rendu envoyé le lendemain au grand bailli de Rivaz  :

« J’ai la certitude, sans pouvoir en rapporter la preuve matérielle, que s’il se fut présenté à l’enchère des enchérisseurs étrangers, les habitants de l’endroit auraient de leur côté formé des sociétés pour retenir partiellement tous les bois qui leur deviennent absolument nécessaires dans l’état d’épuisement où sont leurs forêts ; mais dès qu’ils se sont aperçus que les externes n’osaient paraître, ils ont borné leurs démarches à observer de loin ce qui se passait. Les bûcherons Lugon et compagnie, que j’ai eu occasion de revoir en descendant, ne m’ont point dissimulé que la crainte des habitants était la seule cause de leur retraite. »

Les Martignerains auraient été donc prêts à en découdre, attitude qui dissuade tous les acheteurs potentiels. François Delacoste constate également que, malgré les interdictions, les habitants ne se gênent pas pour se servir du bois et le transporter chez eux 28.

Suite à cet échec, des négociations menées par le commissaire Isaac de Rivaz sont organisées. Les représentants des communes concernées se rencontrent le 8 août. La commune de Martigny propose d’acheter les bois provenant de l’Entremont pour 300 louis, mais le dizain d’Entremont en réclame 380. Après maints palabres, ce dernier ramène sa proposition à 350 louis, cependant Martigny campe sur ses positions. Pire, elle est même prête à retirer son offre en « se fondant sur les lois qui donnent les bois qui ont causé du dommage à celui qui l’a supporté, à moins que le propriétaire ne l’indemnise »29. Aucun accord n’est donc trouvé. Vexé, le dizain d’Entremont revient quelques jours plus tard sur sa baisse de prétention, en réclamant 444 louis, et menace non seulement d’envoyer la police pour faire des perquisitions, restituer les vols et amender les délinquants, mais aussi « de faire connaître publiquement la manière peu charitable » avec laquelle Martigny s’est comportée et d’en informer « quelques personnages très distingués des cantons qui ont été ici [à Bagnes], et [qui ont] connus [ses] malheurs »30. La situation est extrêmement tendue : le 23 août, le commissaire de Rivaz affirme même que « tout rapprochement est devenu impossible »31. Les vexations se multiplient alors des deux côtés32.

Sur conseil du commissaire, le gouvernement n’ose pas réitérer de vente aux enchères, ni de conciliation. Devant l’urgence de la situation et en raison des bois qui continuent d’encombrer les propriétés et les chemins de dévestiture, il s’adresse alors au Comité de bienfaisance, nouvellement créé pour répartir les dons reçus de toutes parts33, afin de trouver une solution. Ce dernier est convoqué le 9 septembre par un arrêté du Conseil d’État34. Lors de cette séance, le comité fait la proposition suivante : la commune de Martigny obtient tous les bois qui se trouvent dans sa juridiction, mais renonce aux indemnités de déblaiement et de récoltes pour les pièces de terre où les bois ont séjourné ; elle abandonne en faveur des communes d’Entremont le prix des bois vendus s’il ne se monte pas au-delà de 300 louis ; s’il va au-delà, le comité consent que le surplus soit réversible sur la commune de Martigny. Ces clauses convenant aux deux parties, l’affaire est enfin réglée35.

Ces décisions ne font toutefois pas l’affaire de tous, puisque peu après cet accord, des altercations ont lieu au sein du Conseil communal de Martigny. Le conseiller Jean Pierre Mathey, qui s’était déjà fait remarquer au mois de juin lors des corvées, prend une large part à cette contestation. Il faut une intervention du commissaire de Rivaz pour que le conseil se remette à fonctionner correctement quelques jours plus tard36. Toujours est-il qu’en novembre, les bois sont enfin répartis entre les Martignerains37. Les Entremontants, quant à eux, ne reçoivent pas les 300 louis avant le mois de février 1820. La répartition de cette somme entre les communes concernées (Bagnes, Sembrancher et Bovernier) ne semble d’ailleurs pas exempte de nouvelles tensions38.

« CELUI QUI PERD NE PEUT PAS ÊTRE BIEN GAY »39

Les répartitions de l’argent provenant des collectes et des dons, qui sont réalisées par le Comité de bienfaisance, mais aussi le comportement peu honnête de certains sinistrés, ne plaisent pas à tout le monde. Si les critiques sont peu nombreuses dans les documents d’archives parvenus jusqu’à nous, elles reflètent tout de même les sentiments d’une partie de la population face à des situations qu’elle juge injustes. Voici trois exemples :

Le 27 juin 1819, Balthazar Troillet, de Bagnes, écrit au Comité de bienfaisance. Se trouvant dans la deuxième classe de répartition, il n’a pourtant pas reçu d’indemnités lors de la dernière distribution, alors que d’autres familles « qui n’ont ni tant perdu ni tant souffert que lui, ont reçu des sommes assez considérables ». Il explique que, s’il devait refaire sa déclaration de pertes, il ajouterait un pré, un verger, du plâtre préparé pour une construction et sept peaux de mouton qui se trouvaient à la tannerie. Il supplie donc les membres du comité de bien vouloir jeter un coup d’œil sur ses réclamations40.

Le conseiller Claude Marin Ducrey de Martigny-Bourg écrit au prieur de Martigny le 12 septembre 1819 afin de lui exposer sa situation. Il est vivement affecté de ce que les fruits de la bienfaisance helvétique aient été partagés avec autant d’inégalité de droit. Il compare sa situation avec celle de l’industriel Isaac Kolb, qui a reçu 1600 francs et en demandait davantage, alors que lui, « honnête fonctionnaire public de cette bourgeoisie », est mis de côté. Il explique pourtant avoir subi une perte plus considérable que Kolb. Celle-ci comprenait tous ses bâtiments (y compris sa fabrique-tannerie et son martinet) excepté une maison devenue pourtant caduque. Il ajoute qu’il a sept enfants à charge. Pour appuyer ses propos, le conseiller transmet également au comité une recommandation signée de quelques notables en fonction à Martigny, mais pense que le prieur n’exigera pas qu’il produise des signatures de personnes inférieures41.

Sollicité pour participer à la prochaine, et sans doute dernière, séance du Comité de bienfaisance en février 1820, Jacques François Bruno Joseph Luder de Sembrancher (1763-1830), homme politique influent du dizain d’Entremont, écrit au prévôt du Grand-Saint-Bernard, pour lui dire qu’il ne s’y rendra pas à cause du « mécontentement de la commune de Sembrancher ». S’ensuit une explication éclairante sur son ressentiment général :

« Pour le passé, la commune de Bagnes a fait comme elle a voulu. Il y aura encore plus de critique à essuyer à l’égard de la division, soit partage, de l’argent provenant de la vente des bois. Ces messieurs de Bagnes, après avoir beaucoup évalué leurs granges, voudront avoir un second payement sur les bois. D’ailleurs je me garderai bien de me trouver en lutte avec Mr. le président Gard, qui sera député pour Bagnes, pour soutenir ses intérêts. J’ai essuyé une injustice trop criante de sa part dans les bois qu’il a fait vendre pour 10 écus, qui étaient sur la commune de Vollèges, qui valaient au moins le quadruple, dont il a profité lui-même en partie, en venant charger lesdits bois qui étaient à l’entrée de Sembrancher, n’étant éloigné que de deux portées de fusil pour en conduire à Bagnes. Il n’a pas montré beaucoup de délicatesse et de sentiments dans cette affaire où j’ai perdu beaucoup de bois qui était sur mon terrain, qui avait été endommagé par des arbres gâtés et digues enlevées. On n’en a pas agi ainsi à Martigny où les principales maisons ont eu des bois considérables sur leurs biens qu’on leur a laissé ramasser. J’ai été celui qui aye [sic] le plus perdu, sans avoir eu le plus léger dédommagement. La commune de Sembrancher a témoigné assez souvent son mécontentement à l’égard de la consigne des pertes qui a été faite conforme aux instructions et modèle qu’elle avait reçu du Comité de bienfaisance auquel elle avait cru s’y conformer pendant que Bagnes s’est constamment refusé. (...) Celui qui perd ne peut pas être bien gay. »42

UN VOITURIER DE LAUSANNE CONTRE LE PRÉSIDENT DU DIZAIN DE MARTIGNY

Peu avant le 16 juin 1818, François Rollier, voiturier à Lausanne, loue un attelage composé d’un char et d’une jument à un Anglais, W. Thomas Athorpe, qui souhaite se rendre en Valais. Hasard du calendrier, cette voiture est emportée par une des vagues de la débâcle dans la cour de l’auberge du Cygne à Martigny. Malgré le dédommagement reçu de Athorpe lui-même, François Rollier insiste auprès du gouvernement valaisan pour obtenir plus. Il va même mener son enquête sur le terrain : le 13 juin 1819, il se rend à Martigny et fouille dans une remise appartenant à Philippe Morand, président du dizain43. Il y reconnaît son char et demande qu’on le lui restitue, mais le Martignerain riposte en alertant le Conseil d’État. Morand explique qu’il s’agit bien d’un char retrouvé dans les débris de la débâcle sur une de ses propriétés, mais que ce n’est pas celui de Rollier. Le Lausannois fournit quant à lui des témoignages qui plaident en sa faveur : ceux de la veuve Cornut, responsable de l’auberge, qui a perdu son mari le 16 juin, d’un domestique de la maison, du conducteur vaudois de l’attelage et d’un autre voyageur vaudois. Le voiturier finit par obtenir gain de cause le 23 septembre en recevant non seulement une compensation financière, mais aussi le char, qui – soit dit en passant – avait été remis à neuf par Morand44.


1. AEV, 3 DTP 28.1.10. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AC Bagnes, P 1063/6, p. 17, p. 21, p. 22. Voir le document .
AEV, 3 DTP 28.2.1. Lien vers l'inventaire. Voir le document

2. AC Bagnes, P 1063/6, p. 17. Voir le document

3. AEV, 3 DTP 28.2.3. Lien vers l'inventaire. Voir le document

4. AEV, 3 DTP 28.6.13. Lien vers l'inventaire. Voir le document ; AEV, 3 DTP 28.2.1. Lien vers l'inventaire. Voir le document

5. AC Bagnes, P 1063/6, p. 24. Voir le document

6. AEV, 3 DTP 28.2.7. Lien vers l'inventaire. Voir le document

7. AEV, 3 DTP 28.3.4. Lien vers l'inventaire. Voir le document

8. AEV, 3 DTP 28.6. Lien vers l'inventaire. Pour consulter la liste des documents numérisés dans le dossier 28.6, voir l'index des documents numérisés

9. AGSB, 5006, Lettre du grand bailli au prévôt (13.10.1818). Voir ledocument

10. AEV, 3 DTP 28.3.3. Lien vers l'inventaire. Voir le document

11. AEV, 3 DTP 28.2.46. Lien vers l'inventaire. Voir le document

12. AEV, 3 DTP 28.3.3. Lien vers l'inventaire. Voir le document

13. AEV, 3 DTP 28.2.46. Lien vers l'inventaire. Voir le document

14. AEV, 3 DTP 28.3.3. Lien vers l'inventaire. Voir le document

15. AEV, 3 DTP 28.3.3. Lien vers l'inventaire. Voir le document ; AEV, 3 DTP 28.3.4. Lien vers l'inventaire. Voir le document

16. AEV, 3 DTP 28.3.5. Lien vers l'inventaire. Voir le document

17. Par exemple : AEV, 3 DTP 28.3.24. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AEV, 3 DTP 29.5.1. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AEV, 3 DTP 28.7.2/9. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AEV, 3 DTP 28.7.2/10. Lien vers l'inventaire. Voir le document

18. AEV, 3 DTP 28.3.5. Lien vers l'inventaire. Voir le document

19. AEV, 3 DTP 28.3.5. Lien vers l'inventaire. Voir le document

20. AEV. 3 DTP 28.2.3. Lien vers l'inventaire. Voir le document

21. AEV, 3 DTP 30.2.1/8. Lien vers l'inventaire. Voir le document ; Registres paroissiaux de Liddes. 

22. AEV, 3 DTP 28.2.46. Lien vers l'inventaire. Voir le document

23. AEV, 3 DTP 28.3.2. Lien vers l'inventaire. Voir le document

24. AEV, 3 DTP 28.2.27. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AEV, 3 DTP 28.2.29. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AEV, 3 DTP 29.1.1/6. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AEV, AC Vouvry, P 1363. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AEV, AC St-Maurice, Pm 2058. Voir le document.
AEV, 3 DTP 29.1.1/5. Lien vers l'inventaire. Voir le document.
AGSB, 5006, Note des bois de la débâcle vendus à l’enchère à Saint-Maurice (28.06.1818). Voir le document

25. AGSB, 5013. 

26. AEV, 3 DTP 29.1.1/9. Lien vers l'inventaire. Voir le document ; AEV, 3 DTP 29.1.1/10. Lien vers l'inventaire. Voir le document

27. AEV, 3 DTP 29.1.1/11. Lien vers l'inventaire. Voir le document  ; AEV, 3 DTP 29.1.1/12. Lien vers l'inventaire. Voir le document

28. AEV, 3 DTP 29.1.1/14. Lien vers l'inventaire. Voir le document

29. AEV, 3 DTP 28.4.5. Lien vers l'inventaire. Voir le document

30. AEV, 3 DTP 29.1.1/16. Lien vers l'inventaire. Voir le document

31. AEV, 3 DTP 28.4.10. Lien vers l'inventaire. Voir le document ; AEV, 3 DTP 28.4.11. Lien vers l'inventaire. Voir le document

32. AEV, 3 DTP 28.4.10. Lien vers l'inventaire. Voir le document

33. Voir Le Comité de bienfaisance

34. AGSB, 5006, Arrêté du Conseil d’État (02.09.1818). Voir le document

35. AGSB, 5007/1. Voir le document

36. AEV, 3 DTP 28.5.1. Lien vers l'inventaire. Voir le document

37. AGSB, 5013. 

38. AGSB, 5006, Lettre du prévôt (08.02.1820). Lettre du président de la commune de Bagnes (14.02.1820). 

39. AGSB, 5006, Lettre de Jacques François Bruno Luder (06.02.1820). 

40. AGSB, 5006, Lettre de Balthazar Troillet (27.06.1819). 

41. AGSB, 5006, Lettre de Claude Marin Ducrey (12.09.1819). 

42. AGSB, 5006, Lettre de Jacques François Bruno Luder (06.02.1820). 

43. Voir le Valais organise les secours

44. AEV, 3 DTP 31.1.3. Lien vers l'inventaire. Pour consulter la liste des documents numérisés dans le dossier 31.1.3, voir l'index des documents numérisés ; AEV, 3 DTP 31.1.2/5. Lien vers l'inventaire . Voir le document